Qui est l’hôte ? L’hôte de qui ?

La visite, ou plutôt les visites, sont au coeur de ce culte de rentrée. Le pasteur John Ebbutt et le diacre Jean-Marc Leresche se partagent la prédication autour de l’hospitalité d’Abraham (Genèse 18, 1-10) et la visite de Marie à sa cousine (Luc 1, 39-44).

Un petit dialogue pour commencer

– Dis-moi, John, comment as-tu vécu cette semaine qui nous amène à aujourd’hui, dimanche de reprise ?
– Comment ? En comptant les jours ! Avec impatience.
– Avec impatience…
– Avec impatience…vraiment, on peut le dire…


– La semaine passée, j’ai remarqué le retour des étudiants autour de l’École de commerce. Ils avaient été confinés, eux aussi, et j’ai retrouvé des étudiants attroupés autour de l’école et ça m’a fait que ce culte a des airs de rentrée et que pour les étudiants, le mois de juin est synonyme de la fin de l’année scolaire. Et quand je dis : « fin d’année scolaire », qu’est-ce que ça t’évoque, John ?
– Fin d’année scolaire… ça évoque les examens, les promotions, la fête ou la tristesse…
– Alors, je vous ai apporté quelque chose… La fin de l’année scolaire est aussi synonyme du bulletin de notes. Et ce sont mes bulletins scolaires – avec les papiers d’origine – Mais on ne va pas les ouvrir.

Un bulletin scolaire pour la fin de l'année

Le bulletin scolaire me faisait souvent passé de la joie à l’inquiétude, parce que, si le bulletin signifiait la fin de l’année et les vacances toutes proches, si je savais à peu près mes notes et mes moyennes, il y avait une part d’inconnu : les remarques du prof. Et ce bulletin, il fallait le montrer aux parents, il fallait le faire signer aussi. Je ne sais pas comment tu vivais le retour à la maison, avec le bulletin dans le sac…
– Angoissé.
– On alors est dans cet entre-deux : rentrée pour nous et fin d’année pour les jeunes. Mais, on n’est pas là pour parler école ni bulletins. Je ne vais pas vous montrer mes bulletins ni vous demander les vôtres. Je vais te laisser la parole, John.

Une photo ne remplace pas la commune union

Un bulletin de notes, où il n’y a pas de photos, mais des notes et des remarques… Aujourd’hui, on ne va pas se donner de bonnes ou de mauvaises notes. En tout cas, ça fait plaisir de se voir, de se revoir ici, en direct. à regarder chacun, ce n’est pas seulement comme une photo qu’on aurait posée sur un banc. Vous vous souvenez de ce paroissien de l’Église Rouge de Neuchâtel qui a tiré les portraits de 400 paroissiens, et les a disposé dans les bancs pour montrer ce qu’est la communauté. Même si vous êtes sages comme des images, vous êtes beaucoup plus que cela !

Des visages, des photos

Une présence c’est une perception, un ressenti qui vient nous rencontrer… oui, n’avez-vous jamais senti par exemple que quelqu’un était entré dans une pièce où vous vous trouviez alors que vous aviez le dos tourné ? L’essentiel est invisible pour les yeux… un téléphone avec le son d’une voix, une vidéo-conférence par ordinateur entre collègues, une lettre écrite à la main peuvent transmettre beaucoup d’émotions. Mais lorsque l’on prend le temps de se visiter, de s’approcher, alors il y a comme une vibration, un lien qui se crée, mais aussi une atmosphère, une ambiance… J’ai eu célébré des mariages où il fallait casser la glace, tellement on se serait cru dans un frigo, et j’ai le souvenir d’assemblée chaleureuses comme bien des fois ici…
En Eglise, il y a même quelque chose de plus grand qu’un simple rassemblement de personnes. C’est ce qu’on appelle une communion, une commune union, le sentiment d’appartenir à une même présence qui nous relie. D’ailleurs les croyant ne sont-il pas un corps, le corps du Christ. Ensemble ils forment sa présence avec pour chacun et chacune une particularité, un don, un manière d’être là.
Il y a d’autres mots que j’aime : par exemple paroissien. Étymologiquement, il signifie : celui qui habite à côté. C’est aussi celui qui est appelé à devenir un frère ou une soeur.

Une visite, c’est plus que ce qu’on en attend

Oui, c’est vrai : toute rencontre est plus que la somme des participants, et tant mieux ! Parce qu’il y a, dans tout rassemblement, une part de non-maîtrisé. Une part qui nous échappe, avec parfois des conséquences fâcheuses à la clé : des paroles lancées à la cantonade, des débordements, des excès qui nous dépassent, un rappel à l’ordre. Mais rien de tout cela ici, car, John l’a dit, vous êtes sages comme des images.
Il en est de même pour la visite. On le sait n’est-ce pas : toute visite comporte sa part d’inconnu. Tant du côté du visiteur que du visité. Comment vais-je trouver la personne que je m’apprête à rencontrer ? De quoi allons-nous parler ? De choses légères ou difficiles, voire tragiques. Qu’est-ce que je vais dire ou dois dire, pas dire ? Ça va être long ? Ça va passer vite ? Des questions qui ne sont pas toujours exprimées, bien sûr. Et tant mieux. Parce que si on y réfléchissait, à ces questions, avant de se mettre en route, je crois qu’on ne se mettrait jamais en route. Mais ces questions sont là, malgré tout. Une visite peut être imprévue, attendue impatiemment ou redoutée, surtout s’il s’agit de celle d’un huissier par exemple. Une visite peut faire du bien, c’est souvent le cas, ouvrir à un nouveau rendez-vous : « À la prochaine ! » Mais elle peut aussi laisser sur sa faim, voire décevoir : j’aurais encore voulu dire ceci ou cela ! ou alors la personne visitée n’est plus là, partie sans laisser d’adresse.

Une boîte aux lettres vide désormais
Si on peut se préparer à rendre visite, on ne se prépare jamais à ce que sera la visite, car dans chaque rencontre, il y a non seulement cette part d’imprévu, mais aussi un invité qui n’est pas visible, mais bien présent. Cet autre que j’appelle Dieu, comme un témoin silencieux de ce qui se passe. « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. » dira à son tour le Christ.
Car la présence du Vivant, du Ressuscité se vit au cœur de la rencontre, dans une présence partagée, dans une écoute attentive, dans des paroles et des gestes échangés, dans une confiance réciproque. Et si la rencontre n’est pas pour aujourd’hui, elle le sera certainement demain ou après-demain. Je me souviens à ce propos d’un résident qui m’avait clairement manifesté que ce n’était pas le bon moment (geste de la main qui chasse ostensiblement).
Et quand on se quitte, on n’est plus tout à fait le même, la même ; il s’est passé quelque chose, on a été… peut-être pas transformé, mais un peu changé : on n’aborde plus la réalité avec le même regard. On a peut-être un peu plus d’énergie, un peu moins, ou on a été touché au plus profond de soi, aux entrailles dira la Bible. Une visite ne laisse indifférent ni le visiteur ni le visité. Il en reste toujours quelque chose.

La carte de visite

Il y a toutes sortes de visites, c’est vrai. Et il arrive qu’un visiteur nous laisse sa carte de visite.. enfin, plutôt l’assureur ou le représentant en aspirateurs ! Sais-tu, Jean-Marc, comment on appelle les Témoins de Jéhovah en chinois ? – Ding-Dong !

Une carte de visite, trace d'un passage
Quand Dieu vient nous rencontrer, il laisse également une trace de son passage. Est-ce sa signature, son Nom qui s’imprime dans nos vies ? un nom qu’on ne peut pas prononcer, mais qui résonne en nous !
Une carte de visite c’est une preuve que la rencontre a eu lieu… elle a existé !
Comment sont repartis les messagers de chez Abraham ? Réjouis, amusés, bien nourris en tout cas ! Pour eux aussi, il y a eu l’étonnement d’un rire, mais aussi d’une incroyable hospitalité, et puis l’attitude d’Abraham qui invite à croire et à espérer.
Et puis Marie aussi a dû repartir de chez sa cousine Elisabeth avec le ventre un peu plus rond, mais surtout le cœur plus fort, la foi plus grande par tout ce qu’elle avait découvert.
Et nous, comment allons-nous repartir ce matin ? Après cette première visite à La BE après une longue absence ? Que restera-t-il de cette visite ?
Même à distance il y aura le souvenir de proximités.
Dieu lui, reste discret comme celui qui vient et qui nous appelle dehors, mais quand il nous rejoint, quand il nous traverse, quand il nous habite de son Esprit, alors il reste en nous sa carte de visite : de l’amour qui nous sourit, de la paix qui repose, de la joie que l’on a envie de porter ailleurs. Comme Sa carte de visite. Traces de son passage dans nos vies.

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